27 février 2012

Sur le mur

 Participation au blog à mille mains
        Musique de  Our Broken Garden


photo : Gabrielle


J’ai pris une photo pour vérifier. Je voulais être sûr.
Car ces derniers jours, les événements s'enchaînent les uns après les autres avec une nette tendance à aller vers le bizarre. Je sais bien qu’une photo n’est pas une preuve mais ça me rassure. Je me dis que ce serait quand même un monde si mes yeux se trompaient deux fois. Je n’ai guère confiance en ma faculté à décoder le réel, soit. Mais un fichier numérique devant lequel je peux me poser calmement, sur lequel je peux appliquer tous les outils à ma disposition, dont la loupe, non, ça ne saurait me mentir.

J’avoue que je n’avais pas la grande forme lorsque j’ai franchi une énième fois la porte de ce bistrot. Il parait qu’on s’habitue à tout. Pas sûr dans mon cas. Ça me fout en l’air à chaque fois quand elles me susurrent à l’oreille : “l’amour physique est sans issue.” D’abord parce que je supporte mal qu’on me chipe mes citations. Et ensuite parce que je croyais trop la connaître la fin de l’histoire : elles se rentrent toutes, vite fait bien fait, blottir leurs petites têtes désolées bien au chaud entre les épaules de leurs réguliers. Ça a beau être charmant, complètement humain, j’ai beau me dire aussi que je participe activement à la consolidation de l’institution du couple en milieu urbain, ça me ferait quand même fichtrement plaisir d’être sûr, au moins une fois dans ma vie, de pouvoir tripoter en m’étirant au réveil, un de ces petits seins qu’elles affichent sans vergogne en photo sur les murs.

Mais non, je tourne en rond seul dans mon lit, ne palpe que du vide, dors trop et ne les entends jamais partir. Et pour garder toute la cohérence qui me caractérise, j’avoue aussi que je ne les vois pas non plus arriver...

Par contre, depuis quelques jours j’ai la conviction de savoir d’où elles viennent. Je crois même l’avoir toujours su. Mais se l’avouer, c’est tout autre chose surtout quand l’explication est hors du champs des possibles, étrange à s’en vriller définitivement le cerveau. Sans les photos que j’ai réussi à avoir le courage de prendre, je crois que j’aurais fini par lâcher prise. Après tout, je suis ce “maudit païen” comme aimait m’appeler Sarah, la jolie bouddhiste aux nichons touts pointus que j'irritais durant des heures et des heures, lors de nos creuses et mutuelles insomnies.
Mais il est trop tard aujourd’hui pour que je continue à refuser l’évidence. Le cliché que je diffuse ci-joint est tellement parlant que la honte m’envahi au simple souvenir de mes multiples atermoiements, faux-fuyant, refus, tergiversations. Tout est limpide, incroyable mais limpide. Elles viennent de là, celles qui me hantent, toutes, j’ai des preuves irréfutables. Et qu’on ne vienne pas me dire que c’est dans ma tête. Bien sûr que c’est dans ma tête. Tout est dans ma tête, tout passe par ma tête à un moment ou autre.
Et dire que j’ai failli avaler les sinistres hypothèses que me présentait comme scientifiques ce triste neurologue que j'eus la faiblesse de consulter.
- Votre sentiment de déjà-vu vient d’un décalage de phase dans la transmission du potentiel d’action (PA) lors des transferts inter-neuronaux.
Non non non et non, elles viennent toutes du mur. C’est de là que je les connais, toutes. Et la preuve, ce sont les cadres vides de celles qui sont, au moment même où je vous parle, à ma trace.
Et je peux vous les décrire, toutes...
Surtout leurs poitrine d’ailleurs.
Et je sais qu’elles arrivent.
Et qu’elle repartiront...
Pour finir d’où elles viennent, elles et leurs jolis tétons...
Dans une photo sur le mur.