31 décembre 2017

Norilsk

PHOTOGRAPH BY ELENA CHERNYSHOVA
Les solutions, pour aller vers un mieux être, sont innombrables. Le cerveau a beau être le siège des processus les plus complexes, on trouve, malgré tout, et avec un peu d'astuce, quelques techniques plus ou moins fiables pour le détourner des sillons qu'il se plait à creuser. La plupart appartiennent d'ailleurs à la même famille, s'occuper l'esprit. Le distraire, comme on agite un chiffon dans l'arène, pour tenter de maîtriser sa trajectoire, pour oublier un instant que le terrain de jeu n'est qu'un cercle, la piste d'un cirque, qui nous ramènera immanquablement au point de départ et, à n'en pas douter, dans le même état de faiblesse et de peur qui nous a vu naître.
Un peu plus fatigué, sûrement et, on l'espère, peut-être un peu plus sage ou plus prospère qu'au départ.
Alors, on va travailler, avec une constance variable, se créer, sans fin, de nouveaux objectifs ; éroder sa force et son courage dans des défis, des combats, des voyages, des œuvres, des distractions, jusqu'au dernier souffle, dernière bouffée d'oxygène, dernière goutte de carburant. En priant pour partir en pleine santé, au détour d'un virage, inattendu, oublié, une surprise, soudaine, rapide, ne pas penser...
Ce qui peut fonctionner. Ce qui doit fonctionner, sinon, cette pratique ancestrale n'aurait jamais franchi les ages.
Mais, il existe une autre méthode, aussi sombre que transparente, apaisante que terrifiante, la méthode Norilsk. Elle consiste à faire correspondre son environnement et son état intérieur. Ainsi, plus de dichotomie entre ce que l'on est, ce que l'on voudrait être, ce que l'on vit, ce que l'on voudrait vivre, ce que l'on pense mériter et le lent décompte des heures qui lacèrent nos cœurs d'un froid brûlant.
Ici, la mort est bien vivante, partout présente, l'espoir, tellement fuyant, que l'on peut habiter le gouffre que son absence creuse dans nos âmes. Les yeux fermés, le soleil opaque, des mines glacées à ciel ouvert, notre foyer.
On dirait le pire ; l'air souillé, la retraite pour nos 45 ans usés, les paysages désolés aux rivières rouges. Et cette paix profonde, lourde, d'être enfin au cœur de l'enfer, notre place, où plus bas n'existe pas, à tousser, cracher. Mais réussir à respirer, revenir d'un bain glacé, pollué, mais régénéré, survivant donc vivant.
Car, sans cette minuscule parcelle de répit, rien ne serait possible. On ne sait pas trop dans quel état on se réveillera, dans un an, un mois. Mais demain matin, l'affichage du réveil faisant foi, on sera en sursis, on sera debout. Chaque seconde aura cet autre goût, piquant, violent, quand la question se posera, de savoir si elle fait partie des dernières. Ce n'est pas la vie des camps, nous ne sommes pas complètement victimes. Nous sommes nos propres bourreaux, des deux cotés du manche, dans une même et lente autodestruction sensée conjurer l'autre, naturelle, implacable et morbide
Nous sommes comme tout le monde, à râler, à se plaindre, du temps, des autorités, des voisins, à ceci près que pour nous, c'est encore plus vrai que pour le reste du monde. Tellement plus vrai que pour le reste du monde. Notre quotidien contemple la fin des temps, à nos pieds coulent les dernières notes de l'aventure humaine. La belle, la tendre horreur, la vraie odeur qu'aucun filtre ne retient, elle est sous nos yeux.
Il ne restera rien, il ne devrait rien rester.
Et pourtant, au cœur de toute cette obscurité, absurde et glacée, un reste de tendresse, parasite dans les veines, anime chaque habitant pour cette ville, Norilsk.

10 décembre 2017

La petite criminelle

Réalisé avec l'aide de Myriam Lavialle au saxophone (Merci Myriam !)


La petite criminelle a eu huit ans cette semaine
Seule sur un banc
Elle purge sa peine
Et dans sa tête tout s'enchaîne

C'est la longue éternité, elle la passera à méditer
La tête serrée entre les mains
Et tout le corps qui se balance
Elle en appelle à la transe

Elle remue elle gigote
Une danse binaire sur le banc de pierre
Elle n’est que mécanique d’orfèvre
Au cœur gelé, jeté loin de la Terre

Elle demande souvent au maître
D'où elle vient, la peur, la nuit
Il n'en sait guère plus le maître
Alors en riant il dit
Ne regarde jamais sous ton lit

C'était un bon directeur
Il savait les faire taire
Un duvet au menton et le regard sévère
Il ne supportait que le vent dans la cour déserte

Expulsée dans le vide, poussée d’un index rigide
Sous les rires des autres
Cernée de piquets de doigts
Elle ne faisait pas le poids

Les rares visites de sa complice
Égayaient un peu son supplice
Elles se tombaient dans les bras l’une de l’autre
Pour qu'enfin s'évanouissent ces secondes si tristes

Dans sa cabine immobile Elle flotte dans l’espace
À travers ses hublots recouverts de glace
Elle voit filer en rang
Deux par deux, des étoiles

16 novembre 2017

Un Cosmonaute Anodin



La vie et toi, toi et la vie
En binôme accompli vous m'avez peu compris
Et les malentendus et toutes mes bourdes
Se tricotent et s’emmêlent et me laissent un peu gourd

Je vois bien ce qui en sort
C’est un lourd pullover de grand-mère
Sûrement pratique et renforcé aux coudes
Car, les risques, en s’écrasant sur une moleskine
À l’accueil encore inflammable
M'invitent à la mollesse d'un cosmonaute anodin.

L'air que j'aspire est âcre et gluant
C'est un miel abîmé qui me râpe la gorge
Mais de ma toux nulle étoile ne file
C’est le Verdon des hivers désenchantés
Et, je hurle au rare soleil incertain
Juste avant de tituber dans le matin

Elle se défait, en déroute, elle se doute
Que, depuis des jours je la soupçonne
D’être à mes dépends à moitié sourde
Alors j’ai dit en voyant ce ciel inconscient,
Se pavaner, halluciné par dessus les toits :
- George, ce soir, je serais tout autre.

Mes valises seront à peine plus lâches
Que ce point compliqué que j’ai toujours raté.
Et de ces coussins scalpés, gorgés de fantômes apaches,
Privés de l’empreinte de tes seins,
Autant dire qu’il ne me reste plus rien.

J’étais bien seul à en être malade
J’ai gardé pour moi ces planètes livides
Nié les chocs, les hématomes
Je marche les pieds en l’air dorénavant
C’est bizarre, étouffant
Et le goût reste polaire, désarticulé
Des plus violentes pharmacies

Révulsé par la tête de nos biologies
Menotté aux éternités
En bacille insoumis
Je garderai à jamais le flux sanguin.

03 octobre 2017

Dégringole

Qu'est-ce qui se lit, qu'est-ce qui se dit ?
Parfois, des mots dégringolent de ma bouche
Est-ce que ça, ça se dit :
Dégringole
Pour pouvoir lire ce que j'ai écrit, souvent, j'apostrophe
Je bafouille, je postillonne, je mange mes  mots…

Alors quoi, c'est la viande qui le donne, le change ?
La viande qui chante ou la viande qui tonne
Parce qu'on s'effondre, toutes et tous,
Vite fait, bien fait, quand c'est l'âme qui s'explose

Si tu veux qu'au soir, ta chair se tienne
Et que, ta chienne de peur se couche
Applique à la lettre ces vers :
Et fais péter les caresses !

Mais c'est raté t'es affamé
Tu n'as plus, dans ta mire, que la paix
Et quand tout se fait pour elle
Toutes les guerres, les querelles
Moi, depuis les quelques mètres carrés ou je me suis enfermé
Le seul territoire dont j'ai la clé
Je passe mon temps à m'appliquer, avec la constance d'un acharné, que m'envierait tout bachelier
Sans mâcher mes mots, ni bidouiller, ni tapoter mon clavier, ni jongler avec mes stylos,
A ne rien faire, Rien
Bon, j'avoue c'est une posture, camoufler les faits que je ne fais que passer
Éviter les questions mal branlées :
Peux-t-on aller au Nord du Pôle Nord ?
Aurions-nous encore du temps, si on remontait juste avant l'aube des temps ?
Y'a t-il une vérité dans le silence ?
Peux-t-on la tuer ?
Et voilà, c'est toujours pareil : quand je voudrais ne rien faire, pour toujours me taire…
Y'a toujours un truc à dire qui me vient, qui remonte, en direct du silence.
Alors, si vous voulez que je la ferme, y'a qu'un truc à faire : plus de bruit !

23 septembre 2017

Carole K.


Projets collectifs audiofanzine


Salut, bon, on va faire les choses dans l'ordre, commencer par le commencement, c'est le passage obligé, désolé, c'est l'heure des présentations. Alors, moi, c'est petit Tony. Enfin, c'est comme ça que tout le monde m'appelle.
Mais, en vrai,  je suis pas si petit que ça. Et puis, va chier, j'en ai pas besoin de ta compassion. Car, même si tu trouves que le début de mon histoire est banale à pleurer, attends un peu de voir la suite.
En fait, là, intérieurement (mais tu peux pas l'entendre, heu, tu m'entends ?) là, quoi, je me marre. Parce que, malgré les plombes que je me cogne sur ce quai, à me demander où est Carole, je sais qu'elle finira par arriver. Depuis que je la connais, elle finit toujours par arriver. Ce genre de femmes, on les attend jamais trop longtemps. Elle le sait, et je sais qu'elle sait que je le sais. Sonc y'a donc de fortes chances pour qu'elle continue de prendre son temps, comme il vient, ou pire, la garce, je l'aime mais elle abuse, à faire tout le temps comme si le temps lui appartenait, rien qu'à elle.
Mais qu'est-ce qu'elle fout ?
Pour le moment, je me concentre sur l'instant où mes phares découvriront enfin sa silhouette. 10 contre un qu'ils s'évanouiront instantanément, tous les doutes, les frustrations et agacements due son retard si prévisible.
Alors bon, si elle flippe un peu, en me voyant lourdement armé, je prends !
Et si elle a un léger relent, en découvrant le type, là, que j'ai stocké dans la malle arrière et qui fait sa dernière sieste, comme un con en chien de fusil, j'avoue que ça serait la cerise sur le gâteau.
C'est que j'ai beau savoir qu'elle s'en tape, de tout ce qu'on pense, de cette nuit, qui passera pas l'éternité à nous protéger, de tout, en fait, elle s'en fout de tout pour n'en faire qu'à sa tête, et bien,  c'est pas une raison suffisante pour m'empêcher de jouer au héro.
Putain, personne ne le sait encore, mais c'est ce que je suis, un héro, né pour gagner, premier à l'arrivé, la belle brune pendue à mon coup, les lauriers d'audiofanzine pour ce voice over de débile mental, je sais pas, un truc, un trophée… Je peux pas finir comme ça. Le film est noir, ok, mais le jour, il finira bien par se lever ?
Sérieusement, il s'en faudrait pas de beaucoup…
Elle ramène son beau petit cul, on balance la voiture, avec flingues et passager, dans l'eau glauque du port, je gagne la saison 16 des compos inspirées et c'est salut la compagnie, hasta la vista, je disparais sans demander mon reste.
Et surtout, j'arrête de me plaindre. Plus jamais de "Bonsoir m'sieur dames", je remballe tout l'attirail et vous me verrez plus traîner dans le coin.
Plus jamais, j'te dis !
Allez Carole, c'est quand même pas sorcier...
Tu passes chez Mario, tu prends la sacoche pleine d'oseille et tu ramènes ta fraise.
Je vois ce que tu te dis, toi qui m'écoute, qu'elle viendra pas, qu'elle est trop belle pour moi, que c'est déjà écrit dans les codes de la série noire, que le mec est seul sur la photo et qu'il va le rester, que de toutes façon, trop bon trop con, j'avais perdu d'avance ?
Tu crois vraiment que je vais leur permettre, aux choses, d'être aussi simples ? J'ai comme l'impression que t'as oublié les rebondissements, les fausses pistes, chausse-trappes inhérentes au genre. Tu sais, toutes les astuces scénaristiques pour bien te mener en bateau. Pour que t'oublies jamais que dans la réalité, tu seras jamais le boss.
Et moi non plus...
Bon, si t'es malin, t'auras compris le truc...
En tout cas, t'as pas dû oublier l'essentiel, un bon standard, ça tourne autour des 3 minutes.
Alors, regarde ton compteur et souhaite moi bonne chance.
Et, si tu veux vraiment savoir la suite, rendez-vous pour la saison 17 !

05 septembre 2017

Porte numéro un



J'ai claqué la porte un peu trop fort. Le geste était souple, me semblait maîtrisé. Mais c'est peut-être du côté de l'amplitude, de l'intention, qu'un certain décalage s'est produit, entre ma volonté de marquer le coup et la violence du bruit résultant. On peut toujours se trouver des excuses. Je pourrais parler de la sensibilité exagéré de certain face aux sons du quotidien, pas toujours bien égalisés ; le quotidien est comme ça, qu'y puis-je, pourrais-je rajouter sans sourciller. Ou mettre en cause toute la chaîne des métiers du bâtiment car, en  y regardant de plus près, toutes ces économies de matériaux, ces chambranles en pins des Landes, ces cloisons en plâtre, ça supporte mal l'assaisonnement hormonal susceptible d'être distillé par tout bonhomme normalement constitué.
Mais les faits sont là, cette porte fut, par mes soins, copieusement claquée. Et un bébé se mit à pleurer, un chien, au loin, à aboyer. Et cette sirène de police, aux frontières de nos horizons sonores, qui me fit douter un instant du bien fondé du hasard, du moins, sous cette forme de pompon magique du béret de marin.
Je me ramifie, c'est peu de le dire… Et toi, tu fais quoi ? Encore en train de sauver le monde ? Tu fais bien.
Moi ? Je regarde monter l'envie. Elle est morne et triste, arrive à coup sûr du fin fond des abysses. Elle se prétend mathématique mais, fait taire les nombres imaginaires. Elle théorise sur tout, sans rêve ni utopie. En fait, comme dirait Denis, le petit dernier de la voisine affamée, elle est à chier.
Alors, avec ce qui me reste d'une folle lucidité en phase terminale, complètement étiolée, je te livre ici mes doutes.
Fallait-il ou ne fallait-il pas la claquer, cette porte ?
Faire tressaillir le papillon universel.

Certain s'oublient sur des paillassons.
D'autres oublient la force de ton sourire.
Le reste oublie qu'ils ont un jour souri.
Moi, je n'oublie rien.

04 septembre 2017

All Pompeii's Parties

maj 19/09/2017 (sound added)




Elle a vu à ses pieds
Gronder torrents de pierre
Et cris mélangés

Tous se terrent
Quand le sol est au ciel
Et avale la matière

Les poumons bleus
Que l'huile de roche racle
Ils paniquent

Je courais dans un rêve
Par grands bonds affairé
Mais n'allais nulle part

Soumis assez au flux
D'une rivière morte et pleine
De croches-rampants tristes

Vétérans agonisants
Marchands sourds
Coffres blindés

Ce brouillard quotidien
Ces cornées opaques
Inséparable misère

Quelques fouets claquaient
Le son de sa voix ?
J'avançais, à ce jour, un peu

La lumière, on s'en rappelle
Les lèvres aujourd'hui sèches
Allait et venait, librement

Qui guette encore
Quand les cœurs se souillent
Et vomissent sans voir ?

Sa silhouette sombre
Coiffée de flammes blanches
Reste dressée 

Comme arrivent les phares
Bravant les éboulis
Elle flambe

Tout autour est détruit
Verticale dans la nuit
Elle danse


02 septembre 2017

Meta Incognita

Café littéraire



Nous sommes désormais des fugitifs. Les oreillers, le confort, les fleurs, les papamamans, c'est fini. Les bisous, les bonnes journée ma chérie, finalement, tant que les copines regardaient pas, c'était chouette ; mais ça aussi, c'est fini. Ma robe foutue, y'a moyen que je la garde encore longtemps sur les fesses. Fait chier, Zara, va falloir oublier.
Et, bien sûr, j'ai rien vu venir. Bon, avant, je dis pas que c'était le paradis, on avait toutes et tous nos soucis. Surtout quand… Ils... Enfin, je...
Non, je regarde les ruines autour de moi et, vraiment, les tracas de mon ancienne vie, si ce qui nous est tombé dessus, on peut appeler ça une nouvelle vie, mais quand même, et désolée si ça fait vieille conne, mais avant, c'était pas loin d'être parfait.
Je repense à Théo, à nos bézouilles tranquillottes, les après-midi de libre, quand il faisait tellement beau que tout le monde sur ruait dans les parcs. Je m'en foutais, moi, de prendre le soleil, un seul de ses rayons voyeurs, tout doux et tout chaud, qui passait entre les volets mal tirés, ça me suffisait, surtout que j'avais autre chose à prendre.
C'était peut-être tout simplement le moment. On s'était bien régalés, on avait bien fait n'importe quoi, on avait frôlé tellement de drames, que celui-là, fallait pas croire qu'on allait y passer à travers, l'air de rien. Un café, l'addition, c'est pour moi. Même si j'ai rien pour payer. La gueule de la banquière, quand je défonçais mon découvert. Et là, toutes les banques coulées, alors, quelle gueule elle peut bien avoir, maintenant, la banquière ? J'aime bien, ce don que j'ai, les deux pieds dans la merde, de toujours trouver quelqu'un de plus en vrac que moi, pour pouvoir lui en mettre plein la tronche.
Yep, mon côté bitchy continue de me sauver la mise. On a beau rien y voir la nuit, centrales en fumée, attentats bien pourris, je me réveille toujours dans un appartement inconnu, jamais dans la rue. Combien j'en ai vue, des princesses déchirées, finir à moitié à poil, coincées entre deux poubelles ? Alors, quand l'ombre des tours s'allonge, moi, je me bouge le cul pour trouver un nouvel endroit, que personne n'ait encore visité. Les mecs sont des porcs, dès qu'ils squattent quelque part, ils contaminent tout ce qu'ils touchent, objets, vivants ou pas, tout fini bon à jeter. D'un simple regard gluant, ils ont beau tout dégueulasser, je prends quand même bien soin d'en avoir toujours un sous la main, ça peut servir. Faut juste savoir partir à temps, quand ils ronflent encore, en rêvant d'un dernier arbre à scier, un ruisseau dans lequel pisser, je sais pas, je suis pas dans leur tête ?
À quoi ça peut rêver, un mec ? Un empire à bâtir ? Ben, là, ils sont servis, y'a du boulot… Faut voir le chantier qu'ils ont laissés… J'ai jamais voté mais j'avais bien ma petite idée, pour rétablir la paix. C'était pas des bombes, qu'il fallait envoyer, c'était des bombasses. Et fini les attentats suicides, on leur aurait fait des attentats sucides. Mais non, c'était toujours qui aurait la plus grosse. Et maintenant, avec le reste de l'humanité, savamment stérilisée, on est bien content de simplement être capable de voir un nouveau jour se lever. Rien n'a changé, on en profite, encore et toujours, même sachant que le nombre d'appartement à découvrir, un de ces jours, ça sera zéro.
Moi, pour cette nuit, je suis au chaud.

01 septembre 2017

Oui, mon corps t'écrase

Oui, mon corps t'écrase
Te retient immobile
Laisse le vent frais du matin
Tout emporter
Tout sauf nous
Sous la couette réfugiés

Une nouvelle rentrée
Un instant qui passe
Comme un train raté
Un réveil ignoré

J'ai rapproché mes lèvres de ton oreille
Et la douceur énorme
Et le souffle minuscule
Tout frissonne, tout murmure
On s'entend bien, Chut !

Et mon corps t'écrase
Nous rêvons
D'abandon, de défaite
Traversons l'éther
Loin, si loin
De ne rien faire
Laissons derrière
Ce qui se fait
Ou pas
Avec ou sans
Nous

Nos nuit
Elles seules savent
Les sentiers cachés
Les routes imaginaires
Elle inventent, libèrent
Réinventent et déshabillent
Nos âmes lasses
Regarde les sourire

06 août 2017

Ashes

en écoutant Ashes


La volupté du magma
S'écoule en arpège
Par des fontaines saoules
Aux tonalités souterraines
Des saisons d'émotions
D'obscurité première enrichie
Ô les amoureux de l'acier

Elle laissera sûrement sa mémoire
Puiser hors ses muses
Nos impuissances lasses et usées
Dans des braises accueillantes
Congelées pour novembre

Quand l'espoir deviendra opaque
Fossile de glace balsamique
Quand nous ne pourrons plus que souffler
Le coeur étourdi de viser
Les environs du creux de nos mains

Pour se souvenir de sa chaleur
De ses notes diffuses emmitouflées
Cachées sous des protections
Et des protections
De pure et tendre laine

Mais la découvrir, au soleil puissant d'août
Seul capable de cristalliser
Lentement
Nos âmes explosées sur la grève,
C'était le présage

Alors, la cornée irradiée
On écoutera la terre
Rassasiée de ses cendres
Persuader les pupilles
De nos yeux enfermés
Que, par l'hiver assassin
Nous ne voyagerons pas seuls

Soutenus sous ses voiles
A veiller les heures sombres
Aux lueurs de sa voix
Debout, chancelants
Dans les vents contraires
Nous irons ravivés
Par les brumes, par les flammes
Evidence d'ivoire
De ses rythmes d'ébène

03 août 2017

Dites, Mister King...

Défi d'écriture de Juillet sur Babélio
Depuis que j'ai accepté l'invitation officielle, et déterminée, des services de police,
qui m'enjoignaient d'effectuer sans plus tarder une visite guidée de leurs locaux,
je dois bien dire que j'y passe le plus clair de mon temps à répéter la même
histoire. Et j'ai beau la semer dans une foule d'oreilles plus ou moins, propres,
gradées et, plutôt moins que plus, accueillantes, je reçois toujours à peu près la
même réponse :
- Vous ne seriez pas en train de vous foutre copieusement de ma gueule, par
hasard ?
Mais, je n'ose toujours pas leur avouer que, si le hasard a bien un rôle à jouer
dans l'enchaînement des multiples péripéties qui m'ont amenées devant eux, ce
n'est certainement pas à ce niveau-là, où le doute n'est pas de mise. Ah ! Qui n'a
jamais eu l'audace de prétendre percer le secret de la recette magique, qui
permettrait, sans coup férir, d'amadouer le fonctionnaire emmitouflé dans la
spirale infini de son vortex de certitudes ? Oui, je l'ai eu, moi aussi ; je ne l'ai plus.
Plus du tout…
Et, si l'on devait rester dans le domaine du foutre, la seule direction qu'une boule
dans la gorge m'empêche de suivre en hurlant, serait celle d'une paix qui semble
les avoir quittés depuis trop longtemps.
Non, parce que je veux bien être gentil, patient, accommodant au possible, je
crois qu'on peut tous s'accorder là-dessus sans chipoter : ils sont un brin obtus,
dans les brigades, n'est-ce pas ?
Heureusement, j'ai fait l'acquisition, par une pratique régulière, d'un grand sens
de la maîtrise de l'art de communiquer, de consolider le lien avec l'autre, par une
écoute silencieuse autant qu'active, une reformulation apaisante, la respiration
profonde, etc.
- merci de bien vouloir me joindre en mp pour confirmation des places disponibles
lors de mon prochain séminaire -
Bref, je veux que ce soit bien clair, pour eux, comme pour le reste de l'humanité :
je suis avec vous, stupéfié comme vous, dans un mélange d'incrédulité et de
refus de ces prétendues évidences qui n'ont de cesse de remettre en cause les
fondements même de toute construction cartésienne qui soutiennent notre vision
du monde.
Et, avec vous, je ne peux que m'exclamer :
- Non, mais j'hallucine ou quoi ?
Que dire des raisons qui nous ont poussées, Jules et moi, à refuser de prendre
nos congés en août, tout ça pour passer des journées interminables dans les
bureaux vides d'une société moribonde ? La peur d'être viré en rentrant de
vacances ? Même pas. D'ailleurs, avons-nous vraiment refusé quoi que ce soit ?
Nous, on a fait comme d'hab', on a laissé couler les jours, les uns après les
autres, et le temps venu, il nous fût simplement impossible de nier le résultat de
notre légèreté : nous n'avions rien posé et furent d'office désignés comme
"présence minimum" au cas où tomberait d'on ne sait où, un de ces improbables
contrats que se devrait de déshonorer sur-le-champ tout personne tant soit peu
raisonnable.
- Donc, je résume, vous et votre acolyte, le dénommé Jules, vous désertez de
votre poste de travail le mercredi 2 août 2017 à 18h02, pour aller au bistrot du
coin. Et, là, vous tombez sur Steve McQueen ?
- Non, Stephen King.
- Ne jouez pas sur les mots, mon petit bonhomme !
- ...
On ne devrait jamais rencontrer ses idoles ; je vous le dis tout net, à tous, génie
littéraires, musicaux, etc. Restez chez vous, tranquilles. Faites vos trucs géniaux,
dans votre coin, et, ci-fait, livrez-nous le résultat de ces activités mystérieuses,
aux dates contractuelles dûment validées par vos soins ; nous serons quittes.
Non, parce que là, voir M. King au comptoir, comme n'importe quel quidam,
occupé à faire des ronds humides avec le cul de son demi, j'avoue, là, on a pété
un câble. Je crois qu'on aurait mieux supporté ça si on l'avait croisé au rayon
quincaillerie de l'Hyper, en pleine zone industrielle de banlieue. Je dis ça dans
l'absolu, car j'y vais jamais, en banlieue. Et puis, faut aussi considérer le contenu
hypothétique de son caddy. Non, un génie, ça pousse pas un caddy, au secours !
Ça perd pas non plus son temps au bistrot, comme un con de contribuable…
- C'était son idée, à Jules.
- Mais putain, vous avez fait quoi du corps ?
Les flics, ça imagine toujours le pire. Donc, forcément, le pire se produisant
parfois, il leur arrive d'avoir raison. Mais de là à choper le melon, à se la péter, à
croire qu'ils ont tout compris, faudrait pas pousser… Vous ne rêveriez pas, vous,
de posséder un talent quelconque ? Et comment ils font, les scientifiques, pour
discerner les différences entre les espèces, parce que, entre un génie et moi, on
va pas se le cacher, on n'est pas sur la même branche de l'évolution. Ben, c'est
ça, ils dissèquent. Mais, je vous rassure, on n'est pas des monstres, au début, on
a essayé de causer. Mais, vous l'aurez deviné, le gars, sans son traducteur, c'était
du chinois.
- You want me to… What ?
Stephen, Stephen, Stephen, pour un génie de l'horreur, je dois bien avouer que tu
ne saisi pas bien l'ampleur de la problématique qui nous habite. On n'en peut
plus, nous, de nos vies de merde. On veut être comme toi, libéré du quotidien,
des petits chefs, des N+1, des flics, de la routine, de la mort, du manque. On veut
percer le mystère de ta réussite, tu comprends ?
- Oh shit ! Get a life !
Ce que nous fîmes, mon adjudant, ce que nous fîmes...

31 juillet 2017

Crépuscule, respiration entre deux mondes

Forum Babélio.com

- Du coup, on peut dire que t'es au crépuscule de ta vie !
J'ai bien conscience, les fréquentant depuis une bonne dizaine d'années, que, dans les vestiaires d'un club de boxe, et ça, finalement, comme depuis n'importe quel endroit de notre chère planète, il faut être prêt à entendre tout et n'importe quoi ; de la vérité la plus nue et étincelante, jusqu'aux pires absurdités malsaines.
Alors, comme trop souvent, abandonnant mon attirance première pour la raison, qui ne m'a jamais rien apporté de bon, je note scrupuleusement le nom du garçon dans ce qui me reste de neurones, car, non, le sport, nul ne le pratique pour son pseudo bénéfice santé, et me promets, si je dois au final tout oublier, de lui réserver un chien de ma chienne, à ce maudit poète des douches publiques.
A mon débit, il faut quand même dire que, cette année, j'ai passé le plus clair de mon temps à tenter de partager cette incompréhensible, et, si prévisible, durée, qu'un anniversaire insolent s'est finalement pris un sacré plaisir à scrupuleusement valider ; et j'ai reçu toutes les réponses possibles, sans qu'aucune ne me paraisse vraiment susceptible de véhiculer le moindre intérêt, ou, pour le moins, je m'en rends compte maintenant, de résonner avec quelques de mes attentes.
Ah, ça, quand on ne veut rien entendre, il y a de fortes chances pour que l'on n'entende rien...
C'est vrai que j'attendais autre chose ; comme ce petit gars qui rentre en sixième et qui voudrait bien que sa mère lui cause de la mort, mais, qui ne reçoit en retour que de petits sourires gênés, dans un savant mélange de sentiments partagés :
- Oh, qu'il est mignon
- Mon dieu, qui m'a foutu cette graine de psychopathe dans les entrailles ?
- Mais qu'il la fasse, sa crise existentielle et qu'on n'en parle plus, plus jamais, seigneur...

Nous vivons tous sous le terrible règne de la désynchronisation ; quand le jeune voudrait saisir la profondeur du  crépuscule, le vieux, lui, serait plus immédiatement intéressé par l'éclat des lumières de l'aube. Mais, ces deux temps ne sont vécus que par les poètes, que nous faisons tout pour soigneusement museler sous des couches d'occupations très importantes.
Je me relève doucement de ma table de travail, fait craquer quelques cartilages, usés par de trop violentes sollicitations, fatigués par toutes ces années irrécupérables, avec, au coeur de mes pensées les plus profondes, la plus triviale, la plus merveilleuse et la plus pathétique des inventions humaines, la solution ultime, la vraie pierre philosophale : la couche !
Elle absorbe tout ce que nous voulons supprimer, ce que, malgré nous, nos journées laborieuses ont laissé suinter, elle amortit l'angoisse de la nuit qui vient, de son incomparable douceur protectrice, et, elle devient, dans un paradoxal dédoublement, en même temps le sauveur, en même temps l'oppresseur. Elle est assurance, protection, foyer, verrou, parachute, airbag sophistiqué, technologie portable avec capteurs connectés, l'Alpha et l'Oméga. Nous lui devons la Paix et nous lui dédions, en retour, les plus belles et les plus conséquentes parties de nos vies, pour se l'offrir, ce temps qui ne nous appartient pas et qui n'existe, comme chacun sait, qu'en fonction de cette putain de pesanteur, voire, de cette satanée vitesse.
Alors, halluciné par la beauté transitoire, hypnotisé par ces doux dégradés, silhouettes évanescentes, formes et paysages dilués dans l'espace, quand le temps joue avec les lumières du soir, j'ai raté l'essentiel, j'ai raté le zénith, ce point d'entrée vers l'infini, ce moment de bascule, pic acéré où n'existe plus ni avant, ni après.
Mais, je campe toujours aux alentours, en guetteur patient, libéré du jour qui disparaît, de la nuit qui vient, prêt à m'abreuver à cette tête d'épingle temporelle, comme on met un pied dans la porte. Pour, enfin, plus que vivant, pouvoir laisser le temps poursuivre sa route, balayé de tout ce qui est. Je serai de ce qui n'est pas, qui n'a jamais été, enfin, qui n'existe pas, qui n'a jamais commencé, et n'aura jamais de fin.
Le cœur du crépuscule,
La pointe parfaite de l'aube,
Le plein midi solaire,
L'entre deux respirations du monde
Parlent en vers
Écoute

11 juillet 2017

Au gré du Vent


(si vous trouvez ce texte inspiré de "Appelez-moi par mes vrais noms
de Thich Nhat Hanh, c'est vrai, sinon, cliquez sur le 1er lien)

S'il vous plaît, soyez
Tout simplement,
Justes
En me nommant

Si vous me dites bon et bienveillant
Vous me jugez et m'amputez

Sentez ma Vie souffler
Sans aucune frontière
Et déborder, continuellement
Des pores de mon histoire
En circonstances et facettes
Aux couleurs et lumières infinies

Si vos yeux me découpent
Dans l'obscurité de l'instant
Je ne serai que l'ombre d'un temps
Une cicatrice horizontale
Cristallisant toute beauté
Dans sa fragile prison ambrée

S'il vous plaît, aidez-moi
Que je puisse répondre à tous
Que je puisse être
Plein et entier

Car, j'ai tous les noms
Ici victime et là bourreau
Au gré du Vent
Dont nul ne sait
Ni d'où il vient
Ni où il va

01 juillet 2017

Encre Tempête

au Festival Chahut


Encre tempête
Lève les gens
Je verrai bien
Ce qui m'attend

Place Saint Michel, saint mélangé
Et tes révoltes élémentaires
Quand sous le vent rêvent les vers
Pour les deux chanteuses en colère

Vois mes écrits, fais qu'ils s'envolent
Ou qu'ils rasent motte sur le sol
Je m'en fous car je vous y ai vue
En pleine naissance reportée
Belle marathonienne épuisée
Âme solitaire déracinée

C'est que, avide de m'exhiber
J'avais achevé ma pitié
Et ton temps, volé
Et ta joie, ta paix, cassés
Sous les pavés, cachés
Oui, je n'ai rien fait pour t'aider

Et, pire, je l'ai levée, cette armée
Aux puissants rayons tannants
De nos étés nucléaires
Et fais fondre ces folles rafales
Raffolant de tes protections
Pour jusqu'au soir, te harceler

J'étais NOUS, le public
Étais-tu nue, de face
Simplement lasse
D'une autre moitié, d'un profil ?

Moi, je voulais qu'on m'affiche
Mes tripes bouillaient de sang et de bile
Premier né gémissant
"Choisissez-moi, écoutez-moi"
J'avais deux sous de sourire seul et triste
J'étais poche !

Mais vos voix savaient le secret :
Ces mots étrangers, c'étaient les miens
Et, ce qui disait le mieux ma vie
C'étaient ces autres,
Plus moi que moi,
Parfaits et inconnus
Mes milles moi

Alors, enfin, je pus rentrer
J'avais parlé
Sans mot dire


27 juin 2017

C'est rigolo...

  
photo : Jason Duchow


    Risquer sa peau

    Sous le chapiteau

    Pour un peu d'émotion

    Quelques secondes d'attention

    C'est rigolo

    

    Dans le creux de l'oreille

    Des mots alanguis

    Le baume du chasseur

    Et sa lumière poisseuse

    C'est rigolo

    

    Cet élu persuadé

    De pouvoir redresser

    Par lois et décrets

    Nos courbes moribondes

    C'est rigolo

    

    Les piscines d'hémoglobine

    De sueurs et de chairs déchirées

    Intraveineuses d'adrénaline

    De sons et de lumières

    C'est rigolo

    

    Dévaler sa vie comme à ski

    Les yeux mi-clos par le vent

    Pour un trophée aspiré

    Par le gouffre à l'arrivée

    C'est rigolo

    

    Mais ton sourire devant l'absurde

    Ton esprit face au désespoir

    La gaieté que tu préfères partager

    Quand le crépuscule vient nous dévorer

    C'est beau



21 mai 2017

Les gens sont des petits animaux sauvages

Lapins from Rongeur

Les gens sont des petits animaux sauvages.
Craintifs, ils préfèrent fermer leurs portes à double tour.
Il faut que les clés cliquent et claquent afin qu'enfin baisse leur stress.
Et, si il s'agit de sortir, quelle histoire... Ils se couvrent, se maquillent, se changent, comme si leurs vies en dépendaient.
D'une manière où d'une autre, leurs protections sont autant vaines et illusoires qu'ils les pensent vitales.
Alors, pris d'une de ces intuitions fugaces dont ils sont très friands, ils s'attachent à disparaître, sous de drôles d'excuses, des tonnes d'idées farfelues, des encyclopédies de mots incongrus.
Et, l'on peut entendre leurs babillages incessant, bien avant l'aube, à travers leurs murs à moitié solides, à moitié étanches.
Car, si ils s'agitent aussi vite que le permet leur maigre constitution, ils font tout à moitié.
Du bruit ou de la musique, ils s'entendent à les confondre, du fond de leurs oreilles distraites.
Ils voudraient n'écouter que leur cœur mais, au final, c'est une horloge qui les fascine.
Sa rondeur apaisante capte toute leur attention.
Pendant que son mouvement, cyclique et répétitif, tente de les assoupir, pour les conduire sans encombre, vers d'obscurs et terminales demeures.
Alors, les petites bêtes, loin d'être aussi folles que prétendent le démonter certaines études superficielles, se dressent, d'un bon, devant la sordide échéance.
Et courent dans tous les sens.
Ce qui, certainement, serait très distrayant si je n'avais, par faiblesse ou contagion, besoin de voir, de rencontrer, de jouir de la présence, quand de l'une ou parfois de l'autre.
Et, à cette fin, il s'agit d'élaborer toute une kyrielle de procédés, de ruses, de manigances, si l'on veut caresser la chance d'un jour oser les approcher.
Car, patienter calmement, posté sans bouger, persuadé qu'ils finiront bien par passer, ça peut durer une vie, tant leurs trajectoires se révèlent erratiques.
Aux messages et missives, affairés, ils ne répondent jamais, sinon trop tard, ou trop peu à propos.
Il faut surtout montrer patte blanche, se faire beau, calculer au millimètre, les poils, les phrases à couper.
Les chausse-trappes et tous ces codes, qu'au fil des siècles ils ont posés, pour de la terreur se protéger, j'y saute dedans, des deux pieds, inconscient des alertes que je fais résonner.
Une fois, j'avais bien ri, quand une toux, un peu plus forte que les autres, les fit s'éparpiller en piaillant affolés. Une autre fois, n'en parlons plus, ce fut un pet.
Je suis et, je reste, très mauvais chasseur, alors, pour mes dimanches, de compagnie, nenni.

14 mai 2017

L'effet des fées des futaies

Je m'en rends rarement compte ;
Soit distrait, soit parti à hurler,
Mais ce dimanche, j'en fut frappé :
Ces platanes sont immenses.

Ils trônent,
Ordonnés par les siècles,
Parés au printemps
Mais aux i-grec toujours apparents et,
Courent tranquillement
Vers ces étages qui m'étouffent,
Que je date aux cinquièmes,
Environ, le début de la fin.

Et qui leur en voudrait
Que, non content d'essayer,
Il montent ?
Qui serait gêné
Par leur croissance inaudible ?

C'est moi, du balcon,
Qui ne comprend pas,
Qui veut bruler
Et se plaint d'être caché,
Entre nuages et futaies.

Je l'oublierais demain, c'est certain,
Mais là, j'ai senti
Ce qui soudain me touche.
Car, cette après-midi, ils dévoilent
Par le silence habituel de leurs ombres,
Et l'espace et son sens
Et la masse infinie
De l'air qui nous entoure

Et je le salue, au passage
Ce si joli hasard
Qui me ramène régulièrement
À la distance atomique exacte
Celle où je peux sentir frémir
La circonférence externe de leurs âmes
Lorsque l'on se tient pile
Au bout de leurs ombres


02 mai 2017

La peau nue de nos lèvres



Elsie assise ici et moi là
Quelque part à boire quelques cafés noirs

A mon tour de sourire
En rêvant qu'Elsie pose enfin ses valises

A-elle dit oui, elle
Rarement indécise
Pour qu'on l'écrive à deux
Cette absence brulante
De bruit, de paroles ?

Seraient-elle chouettes
Nos heures muettes ?

Pourrions-nous dérober
Ce qu'il faut de blancheur
A ces feuilles de papier
Offertes sur l'autel de graphite
Le maitre de nos confidences ?

Voilà, le taulier nous dealerait
De son carnet déchiré
Autant de pages qu'il nous faudrait
Pour se comprendre et espérer

Il sera serré, juré
Fortement aimé, ce stylo
Si chaud, si loin d'être sot
Échangé sous le manteau

Pour que plus rien n'habille
La belle chair à charmer
La peau nue de nos lèvres
Le rubis palpitant
Notre choix
Le silence

13 avril 2017

Sous son nombril

(texte accouché en écoutant l'album de Wolf Larsen - Quiet at the Kitchen Door)


Sous son nombril
Coule invisible
La puissance d'un murmure

Son cri percute les galaxies
Les nourrit aussi
En don profond, absolu

Attachée au pilier de la Terre
Misérable, souillé
Son sourire y nait
En chant extrême
En danse nue

Son asphyxie halete
Ceux qui s'usent à sa source
Tout en apaisant incognito
Des milliards d'âmes surprises

D'un souffle sur la nuque
Toutes et tous alors fauchés
En plein labeur comme à la pause
Par cette tendre piqure
Offerte aux contre-courants marins
Aux vents du Sud sourds aux frontières
Qu'elle distribue par son envie irradiée
Quand elle copine en agonie
Avec l'astre solaire
Son binôme croque-roche
Dur vorace de ses eaux

Chaude pierre alchimique
Plongée dans l'impudique épicentre
Nous donne à onduler
Sous ses vagues immenses
Sans plus jamais se soucier
Ni du crépuscules et de ses loups
Ni de l'aube automatique

Le calme absurde y est noyé
Quand sa densité au rose viré
Dessine d'une brulure spectrale
La vie intime
De nos chères masses électriques

Je respire par palier
Quand tu décides à chaque marée
De venir mourir à mes côtés

20 mars 2017

Photophore + Clip



Alors que le temps qui m'était imparti
Filait sans broncher par les creux de mon lit
Enroué, je rêvais, je guettais l'accalmie
En fait je roulais à moitié endormi

Un moment j'ai cru qu'on ne me verrait
Qu'on me découpant la cornée

Alors j'ai vidé ma dernière batterie
Juste avant de fondre dans la nuit

À travers le pare-brise sale je fixais la magie
Déclenchais au hasard sur des friches jaunies
Des usines perdues aux muettes agonies
Des vagues de silence, des terrains sans vie

Je glandais assommé sous le vide mépris,
D'un sourire sans joie, je fouillais les débris
Apprivoisais des arts, des bouts de pain durci
Des poussières d'horloges, des bâtiments détruits

Pas de statues fracassées, celles qu'on trouvait jolies
Que des murs attaqués par le vent et l'ennui
Aux trousses de clés perdues, cachées sous le tapis
Je sirotais quelques drames, aux aguets je vous dis

Quand les chaines ont rouillé, que les cœurs ont bouilli
Je me suis réveillé et le coup est parti
J'ai laissé pour mémoire l'appareil rempli
Caché dans mes affaires, pour conjurer l'oubli



15 mars 2017

Une seconde allongée

Ni de ci, ni de ça
Ni d'ici, ni de là

La note saoule
La cornée d'oxygène

Est-ce une seconde allongée ?
L'assemblée de sœurs mélangées ?
Le retour du beau temps ?
Notre monde parallèle ?

Je vois plus que Toi

Une somme qui n'existe pas
Si elle se pose ici ou là

Mais qui passe tellement
Tout près de moi

Ravie que mon sang de sève
Ondule à l'unisson
Des buissons immortels

02 février 2017

La forêt


La forêt s'arrête presque au pied du château. Sur les murs de pierre, sur la tour carré, l'ombre des cimes s'y pose alors que la fin du jour approche. Ce n'est rien. La nuit qui vient ne dure, la nuit ne perce, ici, rien ne s’éteint. De l'autre côté, quelques dizaines de mètres plus loin, quelques dizaines d'éternité. La nature. L'obscurité que rien ne raisonne, s'est affaissée contre la porte. Le poids d'une simple présence, une poussée qui traverse les chairs sans les affecter et écrase pourtant de l'intérieur.
Il a fallu s'établir plus solidement. Il a fallu peupler, éclairer. Mettre de l'espace. Remplir l'espace. Ne pas voir plus loin que l'horizon. Mais savoir.
La langue que comprendrait cette nuit sans lune, elle doit sûrement se crier. Et la gorge n'est qu'une écorce. Et cette mousse plein les poumons. La peur remplit les veines de sève quand on n'a plus assez de terre sous les ongles. Même l'arbre le plus sensé, la nuit, se tait.
Maintenant, qu'il soit minuit, ou vingt et une heures, ou quatre, qu'importe. Il n'y a plus de chemin, plus d'étoiles à suivre. Que des troncs butés, des bruits insensés. Le temps de renoncer.
La forêt était immense. Sa frontière masquait, sa frontière occupait les esprits.
Mais ce n'était rien comparé aux racines qu'elle irradiait pour nous broyer le cœur.

12 janvier 2017

Polystyrène frotté des bottes dans la neige













Polystyrène frotté des bottes dans la neige

Je ne sais pas où aller

La vue des pertes, au loin, m'avale

Silence de champs infinis

Peu de fumées aux nuages mélangés

Pas de tendances aux dégelées

L'hiver sans limites figées

Ordonne aux glaces immobiles

D'écraser toutes danses

De fourrer sous mes pieds floués,

L'absence